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Conception par Alinoa.

Nan GOLDIN

Nan GOLDIN

© Nan Goldin

 

Née en 1953 à Washington DC.
Vit et travaille à Paris et New York.
Site de la galerie : www.matthewmarks.com

 

 

Lorsqu'on voit pour la première fois des photos de Nan Goldin, on s'interroge sur l'étrange pouvoir de ces images qui, tout à la fois, impressionnent et mettent mal à l'aise, atteignent en vous quelque chose de très général et de très personnel. Alors qu'on ne sait pas qui sont les gens qu'elle photographie et qui se prénomment Cookie, Suzanne, David, Brian, French Chris, Siobhan, on commence, sinon à les connaître, du moins à les reconnaître, en voyant leurs visages se répéter. On se met à les aimer. On les adopte. A travers ces fragments de vies singulières, à travers ces parcours spécifiques remémorisés, on se met à lire le récit d'une « famille », autant que d'une génération et d'un mode de vie.
(Frédéric Martel)

Nan Goldin est née en 1953, à Washington, DC, dans une famille « middle class » américaine typique qu'elle va quitter très jeune, après le traumatique suicide de sa soeur aînée Barbara. Elle se dirige vers des études artistiques et photographiques. Très vite, Goldin se reconstruit une communauté de vie au fil des rencontres amicales et amoureuses qui constitueront pour elle à la fois un tissu affectif fort et son objet de travail, l'un étant intimement noué à l'autre, sans presque d'ailleurs de différence entre les deux. Les questions de l'amour, de la mémoire et de l'identité sont au coeur de la pratique photographique de Nan Goldin. Elle sont aussi au coeur de sa vie. Les traces capturées par l'appareil qui semble n'être qu'un prolongement du corps, ces instantanés pris comme dans un battement de cil, depuis les années 70, constituent en cela une oeuvre absolument inédite, intense, essentielle et démesurée. « Nan Goldin s'est construite comme une artiste avant d'être une personne adulte. On peut même dire que c'est grâce à la photographie qu'elle est devenue mature et ce lien entre l'art et la vie (...) a d'emblée quelque chose d'émouvant. Avant la photographie, elle était perdue : « je n'avais pas idée de qui j'étais, je me sentais complètement perdue ». Grâce aux instantanés, Goldin a su devenir elle-même. » (Martel)

Si la distinction entre sphères privée et publique est aujourd'hui une question sensible dans nos vies, de plus en plus envahies pas les réseaux sociaux et autres formes de partage virtuel, Nan Goldin, malgré le nouage de ces deux territoires dans son oeuvre, est absolument ailleurs... Son travail n'interroge pas les mêmes problématiques, malgré les apparences. Les enjeux centraux de The Balad of Sexual Dependency sont tout à fait autres, il me semble, que la pudeur ou l'obscénité, le voyeurisme ou l'exhibitionnisme, la perte ou le contrôle de son image. Ces dichotomies, où affleurent la morale et le sens de la propriété privée, tellement centrales de nos jours, ne sont pas pertinentes pour aborder le travail de Goldin. Celui-ci est mû par une pulsion et un affect qui sont bien au-delà de la question morale. Il y est question de survie, de désir de comprendre l'autre, d'empathie et de mémoire. Goldin décrit sa pratique en disant : « Je photographie directement à partir de la vie. Ces images sont nées de la relation, pas de l'observation ». Ou encore : « C'est quelque chose qui a à voir avec tenter de ressentir ce que l'autre ressent. ».

L'accumulation, la durée, les chansons qui accompagnent ces images (choisies par Nan Goldin elle-même), les réorganisations régulières du diaporama (l'artiste a sans cesse modifié l'ordre des images de la Balade au fil du temps, ajoutant et enlevant des photos, changeant leur ordre d'apparition, etc.) sont des éléments déterminants pour comprendre le nouage entre l'art et la vie qui rend le travail de Goldin si singulier et si puissant. Ces éléments témoignent d'un désir sans cesse repris d'écrire une histoire. Son histoire d'abord, et celles de ses amis mais, à son insu peut-être, celle d'une époque également, principalement les années 70 et 80. La Balade de Nan Goldin offre aujourd'hui à voir et à ressentir profondément, les conséquences affectives, physiques et psychologiques de la terrible épidémie de sida qui décima sa famille d'adoption, la laissant miraculée et seule, au bord du gouffre.

A partir de la fin des années 80, suivant là encore la trajectoire de vie de l'artiste qui entame une cure de désintoxication, la photo de Goldin change : plus lumineuse (elle découvre la lumière du jour là où auparavant, elle ne vivait que la nuit), plus contemplative, plus sereine. Goldin s'ouvre à d'autres horizons, notamment l'Asie où elle travaillera avec Araki. D'autres slide shows verront le jour, notamment All by myself en 1994, qui retrace six années de combat pour sortir de la dépendance.

Si la forme évolue, le style persiste. L'urgence de lutter contre la disparition persiste, l'urgence de l'amour et de la mémoire persiste. L'instantané conservera sa place nodal dans le travail de Goldin, avec tout ce que ce mode de prise de vue implique de proximité, de disponibilité au monde, de réactivité et d'intuition. Toute chose que Nan Goldin possède instinctivement parce qu'il s'agit d'elle et de sa vie qui rendent son oeuvre unique.    

AFL            

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