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Conception par Alinoa.

Willy DEL ZOPPO

Willy DEL ZOPPO

© Willy del Zoppo

 

Né en 1963 à Liège.
Vit et travaille à Liège.

http://www.wix.com/willydelzoppo/humazooiques

 

Je m’appelle Willy Del Zoppo et je voudrais parler de la série « Archives solipsistes » que je présente au MAMAC dans le cadre de la Biennale de la Photographie 2012.

Tout d’abord, je pense qu’il serait utile de préciser ce titre quelque peu sibyllin.  Ensuite, il serait intéressant de voir quelles sont les raisons qui m’ont amené à réaliser ces photographies.  Puis, j’aborderai l’aspect plus spécifiquement philosophique qui est sous-jacent à la série des « Archives solipsistes ».

Enfin, je tenterai d’expliquer comment cette série s’inscrit dans la démarche générale propre à Humazooïques, terme par lequel je désigne l’ensemble de mon œuvre.

    Voyons tout d’abord la signification du syntagme « Archives solipsistes ».  Les archives, tout le monde sait ce que c’est : ce sont des documents émanant du passé que l’on peut classer, archiver, répertorier.  Quant à l’adjectif solipsiste, il signifie qu’on parle de soi.  Ainsi, l’autobiographie est solipsiste.  Les archives solipsistes sont donc des archives qui parlent de moi.

    Quelles sont ces archives que je propose ?  Il s’agit de photographies prélevées dans des albums de famille collectés, pour ne pas dire récoltés, sur les brocantes.  A ce jour, je crois que j’en possède une quarantaine de toutes les époques et de tous les formats.

    On peut se demander pourquoi je me suis lancé dans cette entreprise de sauvetage.  Sans doute parce que ma propre histoire est privée de ces archives.  Pour de multiples raisons, je ne possède pas d’album de famille et je ne pratique pas la photo souvenir.

    Il me reste de ma jeunesse deux photos.  L’une où j’ai dix ans et qui apparaît sur un passeport et l’autre où j’ai quinze ans et il s’agit d’une photo de classe.

    Ces quelques explications permettent sans doute de comprendre que j’aie été attiré par le glanage des albums de famille échoués sur les étals des marchés aux puces.  Souvent, lorsque je feuillette ces reliquats de vies perdues, mon cœur se serre et je ne peux me sauver de la nostalgie qui m’envahit alors que par la recherche des images saugrenues, belles ou poignantes que peuvent parfois contenir ces livres de vies oubliées, niées.

    Il y a cinq ans déjà, je me suis mis à rephotographier quelques-uns de ces témoins du passé en les resituant dans un nouveau contexte qui, quelque part, leur rend à la fois une importance et une vérité.

    Cette vérité, bien entendu, n’est que la mienne et le lien que l’image choisie entretient avec son nouvel environnement appartient autant à ma sensibilité qu’à ma subjectivité.  D’où le titre « Archives solipsistes ».  Ainsi, de la mer à la montagne, de Liège à Venise, j’ai emmené en voyage toute une série de photos d’albums qui me touchaient par leur contenu autant que par leur forme.

    Cette démarche, sur le plan d’une philosophie photographique et de l’orientation générale qui sous-tend mon œuvre, n’est pas anodine.

    Voyons comment cela fonctionne : les photos d’albums servent de témoins de la vie passée.  En même temps qu’elles en gardent une trace, elles viennent en sanctionner la disparition irrémédiable.  Voilà pourquoi, lorsqu’on feuillette un album de famille, on se sent pris d’une étrange nostalgie où se mêlent le plaisir de revoir ce qui n’est plus et la certitude que ce temps-là est bel et bien révolu.  Entre parenthèses, on remarquera qu’on peut éprouver le même sentiment lorsqu’on visite un cimetière.  Tant qu’il reste dans le giron familial, l’album de famille permet la circulation des sentiments, des passions, des étonnements, des rejets parfois, qui donnent une cohésion à la cellule familiale.  Ainsi, l’album de famille convoque la vie passée pour stimuler le présent et construire, éventuellement, le futur familial.  On voit donc que l’album, tout en étant extrêmement personnel et local, participe de l’histoire individuelle et collective puisqu’il véhicule également des modes de faire, de se vêtir et de penser …

    Mais qu’advient-il quand l’album se retrouve au milieu des bibelots d’une brocante ?

    Tout d’abord, il faut y voir la trace de désastres familiaux : divorces, décès, disputes, haines, absence de descendance, changement de vie radical sont quelques-unes des raisons qui peuvent expliquer ces véritables abandons.

    Ensuite, toutes ces vies figées par la photographie deviennent indéchiffrables puisque les témoins liés à ces images sont absents ou ont disparu.  Tout au plus peut-on, en s’attachant à l’analyse des documents écrits accompagnant ces archives photographiques, tenter de reconstituer quelques maigres fragments de vie sur lesquels on n’aura de toute façon aucune certitude.  Voilà pourquoi l’album de famille égaré permet à celui qui prend le temps de le contempler, de se construire des films, des scénarios, des vies fantasmées.

    Les photos que j’ai rephotographiées constituent donc mon propre album émotif et artistique.

    En quoi cette série participe-t-elle de l’ensemble des travaux constituant mon œuvre, qui, je le rappelle, porte le terme générique Humazooïques ?  Tout d’abord, il faut savoir qu’Humazooïques est divisé en trois branches : ainsi, De la nature des êtres reprend toutes les séries consacrées aux portraits ; De la nature des choses se tourne plutôt vers l’inanimé ; enfin De la nature de l’art propose, par la photographie, une réflexion sur les modes et les moyens de la création artistique.

    Le propre des archives solipsistes, c’est qu’elles peuvent intégrer les trois catégories.  Tout d’abord, il faut savoir que les photos de famille se consacrent essentiellement au portrait et à ce titre, elles ressortissent clairement de la nature des êtres.  Toutefois, une photographie est également un objet et, de ce fait, ces témoins intimes méritent d’être convoqués dans les séries consacrées à la nature des choses.

    Enfin, les photographies que j'ai choisies me parlent par leur qualités esthétiques évidentes, qu'elles soient volontaires ou accidentelles, et elles méritent d'intégrer les séries consacrées à la nature de l’art.

    Pour résumer, je dirai que les archives solipsistes constituent une tentative à la fois jubilatoire et vaine de me construire mon propre album de famille sur les seuls critères de l’étrange, du sublime au sens kantien du terme, et du solipsisme intégral.

Quant à savoir si les archives solipsistes embrassent le projet de la biennale, il suffit de se rappeler du sous-titre de celle-ci : "images de l'amour/amour de l'image". Que sont la grande majorité des photos de famille sinon des représentations des conceptions de l'amour qui marquent notre société ? Ainsi, les clichés repris dans mes photographies sont, sur la base de ce qu'elles donnent à voir, des images d'amour. Mais comme, en plus, ma sélection procède de coups de coeur et d'attendrissements spontanés, elle obéit clairement à la seconde invite qui est celle de l'amour que je peux ressentir pour ces images qui me tiennent lieu de miroir intérieur.

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